Réunis le 9 décembre 2019 à Yaoundé à l’Hôtel Azur dans le cadre de la journée de la mobilisation contre la criminalisation des défenseurs des droits fonciers, et en prélude à la Journée Internationale des Droits de l’Homme,
Nous, organisations de la société civile, représentants de communautés locales et autochtones et défenseurs de l’environnement et des droits fonciers du Cameroun, avons fait les constats suivants :
- Les communautés locales et autochtones s’opposent à la spoliation de leurs terres par l’Etat et les investisseurs, notamment par le recours à tous les mécanismes pacifiques accessibles (recours administratifs, plaintes en justice, dialogue avec les compagnies, etc.). Si dans quelques cas, ces démarches ont été couronnées de succès, c’est généralement au prix de violations inacceptables des droits de ces défenseurs et autres membres de communautés (harcèlements administratifs ou judiciaires, gardes à vue ou détentions arbitraires, condamnations, etc.).
- La criminalisation s’accentue : les défenseurs des droits fonciers et de l’environnement font l’objet de poursuites judiciaires et de brimades diverses de la part de l’administration locale, dans le but d’entraver leurs revendications et de décourager les autres velléités de résistance.
- Le Cameroun attire depuis quelques années de nombreux investissements sur la terre pour l’agro-industrie, la mine, l’exploitation forestière, les grandes infrastructures, etc. Tous ces investissements, répartis sur l’ensemble du territoire national, sont présentés comme indispensables pour le développement du pays, car pouvant, dans de bonnes conditions, contribuer à la création d’emplois et à la génération de revenus pour le trésor public afin d’améliorer les conditions de vie des populations.
- Les textes en vigueur au Cameroun dans le domaine foncier datent de plus de quarante ans, et ne sont plus adaptés à la situation des droits fonciers des communautés locales et autochtones. Cela est accentué dans un contexte marqué par une pression croissante sur les terres et autres ressources naturelles, et par une grande précarité des droits fonciers des communautés, dont la détention coutumière n’est pas reconnue comme équivalente à la propriété foncière.
- Les communautés rurales représentent environ 50% de la population du Cameroun et se caractérisent par une dépendance étroite à la terre et aux ressources naturelles. La terre fait, en effet, partie de l’identité culturelle des communautés locales et autochtones, et est au cœur de leur système de production, l’agriculture familiale est leur plus gros créateur d’emplois.
- Il existe des liens étroits entre une bonne gouvernance locale du foncier et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment dans le contexte actuel, marqué par la préparation de l’évaluation de la mise en œuvre des Contributions Déterminées au niveau National.
Demandons respectivement à l’Etat et aux investisseurs :
- De reconnaitre que les droits fonciers sont des droits de l’Homme qui doivent être respectés comme tels. Il n’existe en effet pas de dignité pour les communautés locales et autochtones sans reconnaissance et protection de leurs droits fonciers ;
- D’assurer une meilleure protection des droits fonciers coutumiers des communautés locales et autochtones dans les lois et réglementations en matière foncière ;
- D’arrêter les procédures abusives actuellement en cours contre les défenseurs de l’environnement et des droits fonciers ;
- De mettre un terme à la criminalisation des défenseurs de l’environnement et des droits fonciers ;
- D’inscrire l’obligation de protéger les défenseurs de l’environnement et des droits fonciers dans le mandat des institutions nationales chargées de la protection des droits de l’Homme et de la gestion des ressources naturelles au Cameroun, et dans les contrats relatifs aux investissements. Centre pour
l’Environnement et le Développement (CED)
Le CED est une organisation indépendante camerounaise œuvrant pour la promotion de la justice environnementale et la protection des droits, des intérêts, de la culture et des aspirations des communautés locales et autochtones en Afrique centrale. Membre actif de plusieurs réseaux, le CED a réussi, au fil des ans, à mobiliser des alliés pour influencer positivement des cadres légaux, surveiller les activités d’exploitation des ressources naturelles, renforcer durablement les capacités de dizaines de communautés locales, et produire une importante documentation scientifique et de plaidoyer.
Centre pour l’Education, la Formation et l’Appui aux Initiatives de Développement (CEFAID)
Le CEFAID est une OSC Camerounaise active dans la gestion durable des ressources naturelles (terre, forêts, faune, mines) et l’accès aux services sociaux de base (l'éducation, justice, citoyenneté, emploi, santé) à travers l’information, la sensibilisation, l’animation, la formation, l’appui conseil, l’accompagnement technique, la recherche et le plaidoyer dans une approche basée sur les droits. Sa vision qui ambitionne pour une société dans laquelle les population locales et autochtones jouissent pleinement de leurs droits et s’épanouissent a pour mission la promotion et la protection des droits des couches les plus défavorisées. Son objectif est ainsi d’améliorer les conditions de vie de ses groupes cibles à travers des appuis techniques pouvant conduire à leur autonomisation.
Community Aid (COMAID)
COMAID est une organisation de la société civile fondée en 2007 au Cameroun, qui travaille dans les domaines de la gouvernance foncière, de la conservation de la biodiversité, des systèmes d'information géographique, de la chaîne de valeur et du développement institutionnel. COMAID a aidé les communautés locales de la plaine de Mbaw dans la région du Nord-Ouest à améliorer leur gouvernance des terres et des ressources naturelles ainsi que les processus politiques de la réforme foncière en cours au Cameroun.
Stratégie Nationale d’Engagement (SNE)
La Stratégies Nationales d’engagement (SNE) Cameroun est un processus multipartites mis en place par la Coalition internationale pour l’accès à la terre (ILC) afin de promouvoir la gouvernance foncière centrée sur les personnes, et d’appuyer la mise en œuvre des directives volontaires pour une Gouvernance Responsable des Régimes Fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts. Au Cameroun, la plateforme est composée de 25 institutions qui visent à contribuer à l’amélioration de la gouvernance foncière et des ressources naturelles à travers l’adoption et la mise en œuvre des textes et pratiques qui permettent une gestion équitable et durable à même d’assurer le bien-être de tous.
Milieudefensie
Milieudefensie est basée aux Pays-Bas et fait partie du réseau de justice environnementale des Amis de la Terre. Sa campagne forestière vise à mettre un terme à l'expansion des plantations industrielles de monoculture et aux abus environnementaux et sociaux qui en découlent. Ils militent pour une société fondée sur la souveraineté et la participation des peuples. Fondée sur la justice sociale, économique, de genre et environnementale, elle doit être libre de toute forme de domination et d'exploitation, telles que le néolibéralisme, la mondialisation des entreprises, le néocolonialisme et le militarisme.
LandCam
LandCam est un projet qui a pour objectif de sécuriser les droits liés aux terres et aux ressources et améliorer la gouvernance foncière au Cameroun. Mis en œuvre depuis 2017 pour une durée de 5 ans, LandCam collabore avec les principales parties prenantes à travers le Cameroun pour améliorer les droits coutumiers et officiels liés à la terre et aux ressources naturelles en conduisant au niveau local des initiatives innovantes pour une meilleure gouvernance foncière, et en contribuant aux réformes des politiques en la matière. L’IIED (Institut International pour l’Environnement et le Développement), le CED (Centre pour l’Environnement et le Développement) et le RELUFA (Réseau de Lutte contre la Faim) sont les organisations chargées de la mise en œuvre du projet LandCam, en collaboration avec un ensemble de partenaires au Cameroun et à l’international, parmi lesquels NES Cameroon, ILC Afrique et Milieudefensie.