Ayant émergé en tant que société libre en 1994, l'Afrique du Sud a adopté une nouvelle Constitution qui visait à réparer l'héritage de l'apartheid en consacrant une Déclaration des droits pour tous les Sud-Africains.
Vingt-cinq ans plus tard, l'un de ces droits, le droit à la propriété, a récemment suscité une nouvelle controverse.
La redistribution des terres en Afrique du Sud n'est pas bien adaptée aux réalités du régime foncier de la majorité noire. Plus de 60 % de la population, soit environ 30 millions de personnes, possèdent des terres ou des logements en dehors du système formel de propriété. Ces titres "hors registre" sont détenus par ceux qui vivent dans les zones communales, les établissements informels et à la périphérie des villes et des villages. Le statut non enregistré de ces droits les relègue en marge du système de propriété, et ils sont largement perçus comme des droits " informels " sans statut juridique. Les réseaux de clientélisme et de corruption prospèrent dans cet environnement, où les institutions sont disjointes, localisées et sujettes aux conflits.
La stratégie nationale d'engagement de l'Afrique du Sud (NES), ou LandNESS, a identifié la faiblesse de l'administration foncière comme une cause principale de l'incapacité de l'État à intégrer la majorité des sans-terre dans le système formel de propriété. L'administration foncière est nécessaire pour mettre en place des mécanismes coordonnés en matière d'aménagement du territoire et de gestion de l'occupation des sols, de droit foncier et de succession, de fiscalité et de recettes, etc.
"Le système d'administration foncière en Afrique du Sud est fragmenté et mal conceptualisé ", a déclaré Motlanalo Lebepe, membre du comité directeur de LandNESS. "Le défi peut être attribué à l'élaboration de la Constitution lorsqu'il n'y a pas eu de disposition sur l'administration des terres. Au lieu de cela, les trois piliers de la réforme agraire ont été la restitution, la réforme foncière et la redistribution. On pensait que la réforme foncière englobe l'administration foncière, ce qui n'est pas le cas."
Depuis 2018, le gouvernement s'est engagé dans une révision constitutionnelle, où un comité ad hoc a mené des consultations avec des organisations de la société civile à travers l'Afrique du Sud sur les moyens de faciliter la redistribution des terres. LandNESS, a activement coordonné ses activités avec la société civile afin d'accroître ses capacités et de présenter ses priorités au gouvernement dans le cadre du processus d'examen.
La lenteur de la réforme agraire est également due à la préférence du gouvernement de redistribuer les terres pour servir l'expansion de l'agriculture commerciale, qui a été un échec manifeste. Peu d'agriculteurs noirs ont le capital ou les capacités techniques nécessaires pour gérer de grandes entreprises agricoles, tandis que ceux qui restent en dehors du système formel n'ont pas la possibilité d'accéder au crédit ou à d'autres moyens de soutien gouvernemental.
Selon M. Lebepe, "la redistribution des terres ne devrait pas se concentrer uniquement sur l'accès à la terre pour la production agricole, mais aussi sur la sécurité d'occupation, la promotion de l'accès aux services de base pour les habitants et les travailleurs agricoles, le développement de l'habitat pour les habitants des zones urbaines et rurales et l'amélioration des moyens de subsistance".
"Cela pourrait se faire par le biais d'une approche holistique dans laquelle l'État investit dans l'agriculture à petite échelle par le renforcement des capacités, le développement des infrastructures, l'accès au financement, l'accès aux marchés et aux installations de stockage ", a-t-elle ajouté.
Depuis le lancement de LandNESS en 2018, il a animé des ateliers communautaires avec la société civile de tout le pays afin de la préparer à une participation significative aux audiences publiques tenues pour obtenir l'opinion du public sur l'expropriation des terres sans indemnisation.
"LandNNES s'est engagé avec le Département de la réforme agraire et du développement rural pour discuter du programme national pour les habitants des fermes et les droits fonciers des travailleurs agricoles. Jusqu'à présent, le processus a contribué à instaurer la confiance entre le gouvernement et la société civile et à faire reconnaître qu'une réforme agraire significative peut être réalisée en travaillant ensemble ", a dit M. Lebepe.
Entre-temps, LandNESS a présenté au gouvernement des mesures pratiques pour bien orienter la politique, comme la rédaction d'un Livre blanc sur l'administration des terres qui mènerait à une législation nationale et à une commission interministérielle pour gérer le processus de réforme. Alors que l'aspiration nationale à une réforme agraire accélérée stagne, le gouvernement doit agir avec fermeté. Ce n'est qu'en corrigeant les injustices historiques et en s'attaquant à l'insatisfaction de ses citoyens les plus pauvres que l'Afrique du Sud pourra éviter une rupture de la paix et de la stabilité.