Pourquoi les voix des femmes comptent dans les CDN de l’Afrique
À travers l’Afrique, les femmes sont la pierre angulaire de l’agriculture familiale, de la gestion des ressources naturelles et de la survie des communautés face au changement climatique. Pourtant, elles sont trop souvent écartées des décisions concernant la terre qu’elles cultivent, les forêts qu’elles protègent et les politiques qui façonnent leur avenir.
Alors que les gouvernements africains actualisent leurs Contributions Déterminées au niveau National (CDN) dans le cadre de l’Accord de Paris, une question essentielle se pose: les droits fonciers des femmes sont-ils reconnus comme un pilier de la résilience climatique ou sont-ils, une fois de plus, négligés ?
Cette question est au cœur d’un mouvement grandissant qui relie justice de genre, droits fonciers et action climatique. Ce mouvement est porté par les Coalitions Nationales Foncières (CNF) à travers l’Afrique, rassemblant groupes de base, organisations de défense des droits des femmes et acteurs politiques.
Défenseurs des droits fonciers : utiliser l’agenda climatique pour promouvoir la justice de genre
Au Burkina Faso, au Sénégal, au Libéria, en Afrique du Sud et au Togo, les défenseurs des droits fonciers des femmes saisissent l’opportunité d’intégrer une tenure foncière équitable dans les stratégies climatiques. Leur travail va des luttes locales — sécuriser des terres pour les agricultrices dans des programmes d’agriculture intelligente face au climat — à la mobilisation nationale pour insérer l’équité de genre dans la gouvernance foncière des CDN. Conscient de l’importance centrale des droits fonciers des femmes pour des solutions climatiques durables, le Global Land Catalyst de l’ILC soutient les processus de révision des CDN au Burkina Faso, au Libéria et au Togo afin d’y inclure une meilleure prise en compte des droits fonciers, en particulier ceux des femmes. Au Togo, par exemple, les femmes ont pu contribuer à ce processus grâce à des consultations locales et nationales.
Le fossé entre politiques et pratiques persiste
Au Togo, malgré des réformes juridiques, plus de 72 % des femmes rurales possèdent des documents pour leur propriété principale, mais elles se sentent moins en sécurité que les hommes concernant leurs droits fonciers — révélant un décalage entre reconnaissance légale et autonomisation réelle. Plus de 66 % des personnes interrogées indiquent que les droits d’héritage ne sont pas égaux entre hommes et femmes, et les transactions foncières exigent souvent le consentement du conjoint, limitant l’autonomie des femmes. Les structures de gouvernance foncière restent dominées par les hommes, et les femmes sont souvent exclues des organes clés de décision en matière d’adaptation climatique, ce qui compromet les efforts de résilience inclusifs et équitables.
Ce décalage met en péril la résilience climatique de l’Afrique
Les données statistiques confirment que garantir les droits fonciers des femmes et des communautés n’est pas seulement une question de justice, mais un impératif de durabilité. Au Togo, la dégradation des terres est passée de 3 % à 17 % entre 2000 et 2019, signe d’une vulnérabilité écologique croissante. Bien que les données directes sur les droits fonciers des femmes et les résultats climatiques au Togo soient limitées, des recherches comparatives montrent que 95 % des terres détenues par les communautés au Libéria conservent une biodiversité intacte, et que les terres gérées par les communautés au Burkina Faso séquestrent bien plus de carbone que les terres non reconnues. Ces résultats soulignent que reconnaître et sécuriser les droits fonciers — en particulier pour les femmes et les communautés autochtones — peut renforcer la biodiversité, réduire la dégradation et améliorer la résilience climatique.
Le Prix de la Charte pour la Justice de Genre de l’ILC Afrique : Accélérer le changement
Pour accélérer les progrès, la Coalition Internationale pour l’Accès à la Terre (ILC) Afrique a lancé le Prix de la Charte pour la Justice de Genre, une distinction pour les membres et plateformes régionales qui intègrent avec audace la justice de genre dans leur travail.
La Charte elle-même, élaborée en 2014 et mise à jour en 2021, est un engagement des membres de l’ILC à démanteler les normes discriminatoires, contester les lois injustes et promouvoir une gouvernance foncière équitable à tous les niveaux.
Alignée sur la stratégie 2022–2030 de l’ILC, la Charte appelle les membres à faire progresser activement la justice de genre — non seulement comme objectif, mais comme principe transversal transformant les pratiques de gouvernance foncière.
Cette année, la 2e édition du Prix de la Charte pour la Justice de Genre de l’ILC Afrique est ouverte aux candidatures, avec une date limite fixée au 23 mai 2025.
Les membres éligibles de l’ILC peuvent postuler pour:
- Célébrer et valoriser leurs réalisations en matière de justice de genre.
- Recevoir 5000 USD pour mettre en œuvre un audit ou un plan d’action genre.
- Partager leurs expériences lors d’un prochain Gender Justice Lab régional.
Postulez maintenant → Remplissez le formulaire de candidature ici
Pourquoi c’est important: combler le fossé entre politique et pratique
Le Prix ne se limite pas à la reconnaissance; c’est un appel urgent à intégrer la justice de genre dans la gouvernance foncière et climatique.
Sans droits fonciers sécurisés pour les femmes, la résilience climatique de l’Afrique est compromise. Lorsque les femmes sont exclues de la propriété foncière, les initiatives d’agriculture intelligente risquent de renforcer les inégalités en consolidant le contrôle masculin sur les ressources productives. Les projets de restauration, bien que bien intentionnés, peuvent entraîner le déplacement des femmes si leurs droits fonciers coutumiers ne sont pas reconnus. De même, les marchés du carbone et les projets de conservation peuvent devenir de nouvelles formes de « green grabbing », où la terre est accaparée sous prétexte de protection de l’environnement, au détriment des droits et des moyens de subsistance des femmes.
Ces menaces ne sont pas théoriques. Les données du Togo montrent une forte augmentation de la dégradation des terres — un signal d’alarme écologique. Et bien que les données directes soient rares, les preuves du Libéria et du Burkina Faso montrent que sécuriser les droits fonciers communautaires et des femmes favorise la conservation de la biodiversité et une meilleure séquestration du carbone. En clair : une action climatique qui ignore les droits fonciers des femmes risque de faire plus de mal que de bien.
La Charte pour la Justice de Genre est un outil pour contrer ces risques, en fournissant un cadre commun de responsabilité permettant aux membres d’intégrer l’égalité de genre dans leurs pratiques organisationnelles, leur plaidoyer politique et leur engagement communautaire.
Et alors que les pays révisent leurs CDN en 2025, la Charte peut guider les CNF et la société civile pour exiger que les droits fonciers des femmes soient:
- Explicitement reconnus dans les politiques climatiques.
- Financés dans les budgets d’adaptation climatique.
- Reflétés dans les réformes de gouvernance foncière liées aux stratégies climatiques.
Un appel à l’action : signez la Charte, postulez au Prix
Le chemin vers la justice de genre dans la gouvernance foncière et l’action climatique est long. Mais il est tracé par des femmes leaders, des militantes et des allié·e·s qui refusent d’être invisibles.
Si votre organisation fait partie de ce mouvement — en soutenant les femmes à faire valoir leurs droits fonciers, en plaidant pour des lois équitables ou en remettant en question les pratiques discriminatoires — c’est votre moment.
Signez la Charte pour la Justice de Genre. Postulez au Prix de l’ILC Afrique pour la Charte de Justice de Genre. Partagez votre histoire
Ensemble, assurons-nous que l’avenir climatique de l’Afrique repose sur l’égalité de genre, les droits fonciers et la justice pour toutes et tous.
Date limite de candidature : 23 mai 2025. Signez la Charte / Postulez au Prix ici
En valorisant les défenseuses des droits fonciers des femmes, nous faisons progresser non seulement la justice de genre, mais aussi la justice climatique, la souveraineté alimentaire et la résilience des communautés à travers l’Afrique.